Toutes les critiques de Film annonce du film qui n'existera jamais : "Drôles de Guerres"

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thomas Baurez

    La voix de Jean-Luc Godard est intimement liée à ses images depuis les fameuses Histoire(s) du cinéma de 1998, où, positionnée en surplomb, elle véhiculait ses pensées dont la caverneuse diction imprimait un rythme solennel. Godard, homme de mots, de son et d’images-mouvements « qui viendraient de loin » comme on l’entend dans un murmure au début de cette « bande-annonce » d’un film qui n’existera donc jamais. Cela devait s’appeler Drôles de guerres, libre - forcément libre - adaptation du roman goncourisé du belge Charles Plisnier, Faux passeports (1937), réflexion crépusculaire sur les idéaux communistes déchus. « J’ai été intéressé par ces portraits imaginaires ou réels de quelques militants de l’époque qu’il avait connus vers 1920, dit Godard de sa voix chevrotante à mi-film, C’était plus comme un peintre en littérature, il faisait des portraits de visages ou d’allures... »  Ne reste donc de ce projet que des fragments épars dont l’organisation échappe forcément, des collages visuels, des sons éruptifs montés au hachoir, de musiques pénétrantes, où les mots s’entrechoquent.  Un film qui s’écoute et se regarde. Le tout sous le patronage assumé de la maison Saint Laurent et de son directeur artistique, Anthony Vaccarello, 42 ans, dont on tentera de voir la patte lors du prochain Festival de Cannes, puisqu’il est derrière les nouveaux Cronenberg, Audiard, Sorrentino et... Godard. En effet, cette Bande annonce que l’on avait cru être l’ultime geste du maître, ne l’était en réalité pas. La veille de sa mort par suicide assisté, le 13 septembre 2022, Jean-Luc Godard a réalisé Scénarios, présenté en deux versions (18 ou 34 minutes) dans la section Cannes Classics. Seul Godard avait le pouvoir de mettre le mot « fin » où et quand il l’entendait. Voyant cette Bande annonce, Godard aurait confié à ses collaborateurs Benoît Pavan et Jean-Paul Bataggia : « Le film est court mais il a du temps, c’est le cinéma du présent. Et dans ce présent, dans les silences, la pensée est vivante, vibrante, ici et maintenant. »