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Pan Européenne

Avec Un p’tit truc en plus, comédie hilarante autour du handicap, il connaît un succès-phénomène en salles. On l’avait rencontré la veille de la sortie de son premier long comme réalisateur.

Votre envie de réaliser remonte à loin ?

Artus :  Je crois que j’ai toujours eu cette idée dans un coin de ma tête. Mais longtemps, je ne l’ai pas envisagé car je le voyais comme un métier inaccessible. Jusqu’à ce que l'expérience que j’ai pu vivre sur certains tournages comme acteur me fassent me dire… qu’au fond je pourrais faire mieux ! (rires)

Comment naît l’idée d’une comédie mettant en scène des personnages en situation de handicap ?

Ca fait très longtemps que je fais des vannes sur ce sujet là. Donc quand j’ai commencé à penser un film mettant en scènes ces acteurs un peu atypiques, je ne me voyais pas le filer à quelqu’un d’autre. En tout cas, je m’en sentais la légitimité. Et quand on se lance dans un premier film, on se dit… que ce sera peut- être le dernier ! Donc j’ai essayé d’y mettre tout ce qui me correspondait et me plaisait. Et je trouvais fou qu’aussi peu de gens aient eu envie d’aller sur ce terrain- là avant car les personnes en situation de handicap ont un tel imaginaire que je savais que ce qu’ils allaient me donner devant une caméra allait être fou.

UN P'TIT TRUC EN PLUS : UNE COMEDIE HILARANTE… SUR LE HANDICAP [CRITIQUE]

On imagine aussi que si aussi peu de cinéastes se sont aventuré sur ce terrain- là, c’est aussi parce qu’ils ont pu avoir du mal à trouver des financements, non ? Pour vous, comment cela s’est- il passé ?Ca a en effet été compliqué. Ce qui m’a le plus surpris, c’est combien on m'a dit ouvertement les choses : que les gens n’avaient pas envie de voir des handicapés au cinéma ! Ces interlocuteurs- là n’essayaient même pas d’enrober tout cela derrière de fausses excuses. On voulait bien financer mon premier film mais pas avec cette population- là ! Mais c’est un mal pour un bien car, au final, j’ai pu compter sur les meilleurs partenaires possibles qui m’ont offert les moyens de faire ce fillm et en s’investissant à fond. Car Un p’tit truc en plus n’aurait jamais pu voir le jour sans une équipe soudée.

Comment avez- vous construit la structure de cette histoire ?

J’avais d’abord imaginé ce film comme une chronique façon Nos jours heureux. Et puis, le personnage de Sylvain qui est né sur scène a pris de la place, a pris de l'ampleur. Et je me suis dit qu’il était logique de l'intégrer dans cette histoire tout en ayant peur qu’on tombe dans une « grosse comédie ». Je ne voulais pas que ça abîme la prestation des comédiens en situation de handicap. Le premier gros travail a donc consisté à trouver le juste milieu. Et à faire de cette histoire de braquage de Sylvain et de son père qui se font dans la foulée passer pour un handicapé et son éducateur un simple point de départ pour que le film démarre vraiment dans le bus en route pour la colonie de vacances dans les premiers échanges entre les personnages, eux, vraiment en situation de handicap.

Comment avez- vous recruté cette bande de comédiens incroyables ?

Aucun n’avait joué avant. Et c’était un souhait de ma part. Je cherchais des personnalités, des couleurs différentes. Et pour les trouver, j’ai simplement fait un post sur Instagram où je demandais aux parents de personnes qui ont un petit truc en plus et envie de faire du cinéma de me contacter. Je n’avais aucun doute sur le fait que j'allais les trouver. Et dès que j’ai vu arriver Arnaud avec son tatouage de Dalida m’expliquant qu’il est un grand fan de Dalida ou Boris qui est en permanence déguisé, j’ai su que j’étais sur la bonne route, que ce qu’ils sont allait ajouter de la poésie à mon scénario, des situations, des dialogues que je n’aurais pas pu inventer seul de mon côté ou alors des choses qu’on aurait pu me reprocher. Mais là si on me dit ‘’c’est beaucoup non, un trisomique un fan de Dalida’’, je peux répondre qu’il existe !

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Il s’agit donc de leur première expérience devant une caméra. Comment avez-vous travaillé avec eux en amont du tournage ?

J’ai réécrit leurs personnages en fonction d’eux pour qu’ils s’y sentent parfaitement à leur aise. Mais à partir de là, on ne travaille pas vraiment en amont à part les faire rencontrer les autres comédiens : Clovis Cornillac, Alice Belaïdi, Céline Groussard… Je ne suis pas un grand fan des répétitions, j'aime le côté spontané. C’est la raison pour laquelle, une fois sur le plateau, je voulais que la caméra soit toujours prête à tourner pour aller voler ici ou là des choses et suivre leur rythme car il ne fallait surtout pas qu’on sente qu’ils jouent. Et ils se sont tous habitués assez vite à la caméra, à l’ambiance d’un plateau. J’aime les petites erreurs, je corrige ainsi d’ailleurs rarement les choses à la post- synchro. Je me moque si on ne comprend pas tel ou tel mot à partir du moment où on comprend le sens de l’ensemble. Je veux que mes personnages parlent comme dans la vie et pas de manière trop lisse. Ca ajoute de la sincérité.

Le fait de jouer au milieu d’eux en plus de les mettre en scène est un atout majeur dans ce travail- là, on imagine…

Oui car ça me permet de les emmener vers certaines choses pendant la scène. Il y a même quelques plans que j’ai dû recadrer car on voyait le petit combo avec le retour images que j’avais à la main pour faire le cadre en même temps. J'avais envie d'être dans la bataille.

La grande réussite de votre film est qu’on rit avec eux et que vous ne vous excusez jamais des vannes que vous pouvez faire, vous n’enchaînez jamais avec une scène plus ‘’mignonne’’ où vous vous en excuseriez. Ce fut une évidence à l’écriture ?

Honnêtement, sur les vannes, je n’ai pas trop de souci. Comme sur scène, je prends le parti que ce qui me fait marrer fera marrer les autres ! Et comme spectateur, j’ai toujours peur du côté pathos dont vous parlez. J’ai du mal quand je sens qu’on essaie de me tirer une larme. C’est donc tout ce que je voulais éviter. Et puis, il y a une évidence qu’il ne faut jamais perdre de vue quand on écrit, on réalise ou on joue dans les comédies : le public n’est pas con ! Je n’ai pas besoin de tout surexpliquer, à commencer par les vannes ! Tu as la vanne tant mieux. Sinon tant pis tu auras la suivante ! De toute manière, je ne décrocherai pas un rire de plus en me lançant dans une explication de texte

Votre logique d’écriture n’a donc pas varié d’un iota en pensant de la scène au cinéma ?

Absolument pas. Et ce jusqu’au bout de l’aventure. Car comme je le fais avec mes spectacles, j’ai aussi beaucoup testé le film en multipliant les projections- tests. Et là encore, ça me paraît fou qu’on ne le fasse pas plus au cinéma. Il ne viendrait à l'esprit de aucun humoriste de monter sur scène sans avoir au préalable rôder son spectacle ! Mai au cinéma, si ! Alors que c’est là que tu peux par exemple couper certaines vannes non pas parce qu’elles dérangent mais parce que tu vois qu’elles font un bide. J’avais besoin d’entendre ces réactions. Et sans ces projos- test, je n’aurais jamais obtenu le film tel qu’il existe. Et si j’ai la chance d’en refaire d’autres, je recommencerai, comme le font Dupontel et d’autres.

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Pourquoi avez- vous choisi de faire appel à Clovis Cornillac pour jouer votre père ?

Je voulais des comédiens avec qui j'avais déjà travaillé. C’est le cas pour Céline Groussard avec qui j’avais joué sur scène dans Duels à Davidéjonatown, pour Alice Belaïdi dans Budapest et donc pour Clovis dans Si on chantait, sur le sur tournage duquel il y avait eu comme une évidence entre nous deux. Un côté terroir, un partage des mêmes valeurs. Sans compter évidemment le fait que Clovis soit un acteur dingue. Je me suis refait Brice de Nice récemment et sa performance est folle ! Clovis n’a que 20 ans de plus que moi et, pour ce personnage, j’aimais l’idée d’un père qui ait eu son fils très jeune, ce qui a défini leur relation car il n’était pas prêt à cet âge- là. Et une fois sur le plateau, sa bienveillance fut un moteur important pour moi. Car si Clovis est aussi réalisateur, jamais je ne l’ai senti me juger. Qu’il accepte de me suivre m’a évidemment porté, comme le fait que, dès le premier jour, mon chef opérateur Jean- Marie Dreujoux – qui est aussi celui de Jean- Jacques Annaud ! – me lance « alors boss, qu’est- ce qu’on fait ? » L’un et l’autre m’ont donné confiance en moi et la légitimité au fond de tenir ce rôle de boss. Car je ne suis pas dupe : quand on est un humoriste « vu à la télé » qui fait son premier film, je sais que les trois quarts des techniciens te voient arriver un peu comme un tocard. Ce que je comprends car ils ont pu vivre d’autres expériences qui les incitent à penser ainsi. Avoir la validation de Jean- Marie change forcément la donne…

Comment avez- vous travaillé avec lui ?

Je lui ai dit que je voulais du soleil et de la joie !  J’avais aussi beaucoup de plans très précisément en tête. Mais ce qui est génial avec Jean- Marie, c’est son enthousiasme, son envie de tester des choses qu’il n’a jamais faites. Le mot « non » n’existe pas avec lui.

Ce mois de mai marque une étape particulière dans votre parcours, entre la sortie en salles de votre premier film de réalisateur donc et La Pampa d’Antoine Chevrollier dans lequel vous jouez et qui sera présenté à la Semaine de la Critique à Cannes… Comment vivez- vous ce moment ?

C’est assez fou car c’est la première fois que je vais présenter un film à Cannes. Là encore, j’ai conscience d’être comique et de venir de la télé et qu’on n’est pas nombreux à avoir la chance de vivre ce que je vais vivre. Je suis donc ravi de voir que les choses changent un peu. Et je suis encore plus heureux de le faire dans un film d’un ami comme Antoine. On trouve ça fou de vivre au fond les mêmes choses au même moment. J’espère que ça se terminer avec de gros chiffre au box- office de mon côté et la Caméra d’or du sien !

Un p’tit truc en plus. De et avec Artus. Avec aussi Clovis Cornillac, Alice Belaïdi, Céline Groussard… Durée : 1h39. En salles depuis le 1er mai 2024